Le Sureau de Montmartre
Tout au fond du cimetière de Montmartre, une tombe porte un lierre,
un aucuba et un sureau.
Rien de bien extraordinaire à cela, me direz-vous.
Et pourtant, venez un peu plus près...
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Mon attention avait été attirée par un très grand nombre de coccinelles.
Les « bêtes à bon dieu » ont toujours quelque chose de séduisant. J'ai donc voulu voir de plus près...
Et j'ai pu découvrir que les jeunes pousses du sureau étaient couvertes d'épais manchons de pucerons.
Ces pucerons sont des Aphis sambuci, sambuci en raison du nom latin du sureau, qui est Sambucus nigra.
Voyant cela, le photographe qui est en moi s'est dit qu'il y avait là matière à faire quelque chose d'intéressant, avec des scènes de carnage photogéniques à souhait.
J'ai observé un grand nombre de coccinelles différentes.
Nous avons ainsi des coccinelles à 7 points (Coccinella septempunctata), à 2 points (Adalia bipunctata, deux colorations différentes), une coccinelle rose (Oenopia conglobata), une coccinelle dite asiatique ou chinoise (Harmonia axyridis), une jaune, bien cachée, et même un Scymnus sp..
Comme la nourriture était abondante et que le printemps tardif arrivait enfin, tout le monde avait hâte de se reproduire...
Cette femelle s'offrant même un petit casse-croûte...
Pendant ce temps, les pucerons poursuivaient leur tâche. Ils pompaient...
Certains individus sont dotés d'ailes, pour aller coloniser
d'autres branches ou d'autres arbres. Sur la photo ci-contre à droite, on observe
deux vivipositions (la femelle pond une larve qui a déjà éclos de son œuf).
Les pucerons aspirent la sève de la plante et rejettent un liquide sucré appelé miellat. Ce miellat, le phénomène est bien connu, attire les fourmis, dont certaines espèces vont jusqu'à « élever » leurs pucerons, les protègent et même les déplacent vers des lieux de pâture plus propices. Ici, il s'agit de Lasius emarginatus.
Le miellat, s'il fait le bonheur des fourmis et le malheur des jardiniers, qui se lamentent à la vue des feuilles souillées de traces sucrées qui peuvent favoriser le développement d'un champignon appelé fumagine, attire également d'autres visiteurs alléchés, comme cette Tachina fera, et bien d'autres.
Certains de ces visiteurs se contentent du miellat, d'autres allient le plaisir et le souci de la perpétuation de l'espèce, puisque l'on peut bientôt observer dans les colonies de pucerons la présence d'oeufs de syrphes.
Ce qui nous promettait l'apparition prochaine de larves, dont on sait qu'elles se nourrissent de pucerons. Ci-dessous, notamment, des larves d'Epistrophe eligans.
Et les coccinelles, pendant ce temps-là ? Elles pondaient...
Les coccinelles pondent normalement sur le dessous des feuilles, mais celle-ci avait peut-être la tête ailleurs...
Cependant, je n'observais pas les scènes que j'attendais. Il se trouve que cette photo est la seule où j'ai observé une coccinelle à 7 points manger un puceron. J'ai donc cherché des informations et j'ai alors appris que les
Aphis sambuci sont protégés « naturellement » de certains prédateurs parce qu'ils accumulent à partir de la sève du sureau qu'ils ingèrent une substance toxique, la sambunigrine, qui est un précurseur de l'acide cyanhydrique.
Voir notamment cette
référence.
Cette substance est sans effet, par contre, sur les coccinelles à deux points, comme nous l'avions vu plus haut.
On a fini par observer des larves, mais pas dans la proportion attendue compte tenu du nombre d'adultes et du nombre (relativement modéré cependant) des oeufs. On peut penser que certains ont été dévorés par d'autres animaux (les fourmis ? les syrphes ?, d'autres encore ?).
Et même un jour cette larve de Scymnus sp.. Cette coccinelle est très utilisée dans la lutte biologique et tend à se diffuser largement en dehors des lieux initiaux d'utilisation.
Parmi les visiteurs du sureau, certains n'étaient pas attirés par le seul miellat...
et cherchaient au contraire des larves à parasiter.
Par exemple, cette larve (probablement Eupeodes sp.), qui se tient normalement droite, était agitée sporadiquement (toutes les 10 à 15 secondes) et se recourbait comme le montre la photo, probablement sous l'effet des morsures de son parasite.
Quelques jours plus tard, on ne trouvait plus que des vestiges.
Cette série s'arrête ici parce que, si ce bosquet a été le centre d'une intense activité pendant tout le mois d'avril et les premiers jours de mai, il est retombé dans la torpeur depuis la mi-mai. Les
Aphis sambuci sont toujours là, sous la garde des fourmis, mais celles-ci ne les stimulent pas spécialement, peut-être à cause de la floraison du sureau et des modifications que cela entraînerait dans la composition de la sève (teneur en azote, notamment).
D'autre part, tous les visiteurs que nous avons vus au cours de cette période s'intéressent probablement à d'autres végétaux (notamment les rosiers) et à leurs occupants.
Il faut enfin ajouter que les pucerons
Aphis sambuci, s'ils sont abondants, ne constituent pas une nourriture de premier choix (elle est même toxique pour certaines espèces). Voir par exemple cette page sur la
nourriture des coccinelles (en anglais) qui indique que ce régime est insuffisant pour la croissance de certaines espèces de coccinelles.
Addendum 2006
Alors que la série avait commencé le 10 avril en 2005, il a fallu attendre le 12 mai, cette année, pour voir arriver les épais manchons de pucerons.
Par contre, cette Epistrophe eligans n'a guère attendu pour venir pondre. On observe d'ailleurs déjà une larve de syrphe au-dessous.
De la même manière, cette femelle de Paragus pecchiolii voulait pondre au milieu des pucerons.
Mais, alors que les fourmis n'avaient pas empêché le syrphe ci-dessus de pondre, elles arrivaient immédiatement quand elle se posait, si bien qu'elle devait attendre le moment opportun.
Quelques jours plus tard, on a pu constater qu'elle était parvenue à ses fins.
Cette brève bouffée d'activité est maintenant terminée. Le sureau attend l'année prochaine.
Ces photos ont été réalisées en avril et mai 2005. Série 2006 en mai et juin.
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Dernière mise à jour : février 2023
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